mercredi 2 décembre 2015

Palmyre de Paul Veyne




A la barbarie aujourd'hui à l'oeuvre en Syrie, Paul Veyne répond par un livre dédié à la mémoire de Khaled al-Assaad, directeur des antiquités de Palmyre de 1963 à 2003, décapité par Daech en août 2015.
 Un livre qui s'adresse au «lecteur honnête homme» et dont Paul Veyne explique le projet : «Malgré mon âge avancé, c'était mon devoir d'ancien professeur et d'être humain de dire ma stupéfaction devant ce saccage incompréhensible et d'esquisser un portrait de ce que fut la splendeur de Palmyre, qu'on ne peut plus désormais connaître qu'à travers les livres.» L'historien nous conduit donc vers un autre monde, là où le négociant grec, puis le magistrat romain entendaient parler l'araméen et étaient frappés par les vêtements et les bijoux, étonnés que de telles richesses aient pu naître dans ce désert où stationnaient des caravanes de chameaux. A Palmyre, près des pilastres qui soutiennent les portiques, près des statues en bronze, travaillaient et logeaient des cordonniers, des fabricants d'outres en cuir, des orfèvres. L'oasis de Palmyre, « république marchande », résonnait des transactions commerciales : myrrhe, poivre, ivoire, perles partaient pour Rome ou Alexandrie. Paul Veyne évoque aussi Zénobie, reine de Palmyre, qui, en 270, conquiert l'Egypte avant d'être vaincue par l'empereur Aurélien - lequel met Palmyre à sac, sans la détruire. Remontant le cours du temps, l'historien nous emmène plus loin encore, quand Palmyre s'appelait Tadmor...

Qu'est-ce que Palmyre ? Une ville araméenne, arabe, un patchwork de cultures ? Les divinités y sont nombreuses, plus d'une soixantaine dont les noms nous sont parvenus : dieux araméens, mésopotamiens, arabes, perses. Des millénaires de culture et d'histoire que Daech dynamite. «Oui, décidément, écrit Paul Veyne en conclusion de ce livre émouvant et flamboyant, ne vouloir connaître qu'une seule culture, la sienne, c'est se condamner à vivre sous un éteignoir.» 
Gilles Heuré


Palmyre, l'irremplaçable trésor, de Paul Veyne, éd. Albin Michel, 144 p., 14,50 €.

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