vendredi 15 août 2014

François Beranger : le vieux (1973)





Il est des rencontres qui comptent dans la vie. Ce jour-là j’étais invité à Champigny chez Gisèle et Alain. Je sortais de quatre ans de vie militaire contractée pour m’éviter l’usine. J’aurais certainement mieux fait de choisir l’usine mais les sirènes des îles sous le Vent dans l’archipel de la Société avaient été les plus fortes.
Alain était prof et Gisèle administratif à la fac de Vincennes. Ces deux-là, sans vraiment s’en rendre compte, m’ont énormément apporté dans ma vie. Je leur doit par exemple : la découverte de la Cartoucherie de Vincennes et du théâtre d’Ariane Mouchkine, le cinéma de Woody Allen, le jazz, une conscience politique et plein d'autres trucs. Avouez que ce n’est pas rien. Pour l’heure nous en étions à nos premières rencontres. Alain, le frère de Gisèle est arrivé avec François sous le bras sous forme de galette vinyle. Alain, étudiant, nettoyait aux aurores des halls d’immeubles ou livrait les journaux aux kiosquiers avec sa 4L pour payer ses études. Ils étaient tous indépendants et semblaient en être très heureux. Ils parlaient des événements du moment, de lutte de classe, des problèmes de facs… Je ne participais pas. J’écoutais. Je n’y comprenait goutte, absent que j’étais de la vie sociale, économique et politique française depuis un demi-siècle alors que je n’avais que vingt-deux ans.
Alors je me suis intéressé à François sur sa chaise paillée terminée en corps de femme.
François avait trente-sept ans. J’ai su bien plus tard que toute son enfance avait été marquée par la dureté de la vie prolétaire. François avait hérite de son père l’idéologie de lutte de classes, et de révolte contre la misère. Lui aussi avait intégré l’usine Renault à seize ans. Il avait pris rapidement la poudre d'escampette conscient de la sottise de la vie d'usine.
Et comme il l'a écrit lui-même, tous ces mots terribles qui font des chansons, il a pris sa guitare et s'est mis à chanter ce soir-là un peu rien que pour moi assis dans mon coin.


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour ce beau souvenir, quelle chance vous avez eue...
Pour moi aussi cela ravive des souvenirs...
Demain je vais à la bibliothéque et j'emprunte des CD de François Béranger!
j'avais oublié ....

sophie (des grigris)

Anonyme a dit…

...au fait j'attends avec impatience François 2 !!!

sophie (des grigris)

KARAVAN PAPOU a dit…

Pour un samedi matin un peu gris, les grisris de Sophie sont des petits rayons de soleil.
Empruntez tout. En ces temps de morosités et de libéralisme à tout crin : François Béranger est salutaire. PAPOU