jeudi 2 mai 2013

Les yeux de ma grand-mère

                              Mathilde, Elvire et Eliseo (cliquez sur l'image)
Cette photo de famille, on ne peut plus banale,  est pour le moins troublante pour moi. Je la découvre pour la première fois. J’y vois, assis l’un à côté de l’autre, mes grands-parents maternels Mathilde et Eliseo en compagnie de la sœur de ma grand-mère Elvire. Je n’ai jamais connu l’homme moustachu et souriant. Je ne sais rien de lui si ce n’est qu’il a participé à la construction du pont ferré de Servian inauguré en 1910 et que j’avais la fierté de franchir en pensant à  lui.  Rien d’autre. 
J’ai déjà évoqué ici le souvenir laissé par ma grand tante Elvire (lien). Au-delà de la mémoire familiale, elle est désormais immortalisée par quelques photos et un commentaire dans le livre de Pierre Roques « l’Hermitage de Combas » aux éditions Pro Baetis. L’Hermitage de Combas était un grand domaine à Servian dans l'Hérault où ma tante Elvire travailla comme cuisinière et « meneuse » c’est-à-dire celle qui gérait le rythme de tous les coupeurs lors des vendanges du domaine. Aujourd’hui le château (lien) propose des hébergements de charme.
Je n’ai pas réussi à déterminer qui sont les enfants sur leurs genoux. Très certainement mon oncle Elisée et ma mère Elise, mais je n’en suis pas certain. Non, ce qui me trouble le plus dans cette photographie c’est le regard de ma grand-mère qui me fixe sans me  voir, alors que j'ai aperçu  rarement l'éclat terne de ses yeux devenus opaques par la cécité.  Je l’ai toujours connu aveugle, le visage mangé  par de grosses lunettes noires. Les moyens de  communication à l’époque n’étant pas ce qu’ils sont aujourd’hui, j’avais peu de  nouvelles et ne la voyait qu'au mois d’Aout.  Mes parents ne m’ont jamais parlé de leur famille respective. Rien sur leur histoire, rien sur leurs secrets. Je n’ai fréquenté que celle de ma mère. Celle de mon père reste un grand mystère. Un enfant attache rarement d’importance au monde des adultes. Je n’ai rien demandé. Aujourd'hui il n'y a plus personne pour me répondre. C’était ma grand-mère. Elle est partie en 1969. Maintenant elle me regarde et j’en reste étonné.

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