vendredi 1 février 2013

Rita Morfalés

         



                 Il y avait « boum » chez Alain. Fort des principes d’éducation de ma mère, j’ai mis un slip propre au cas où j’aurais un accident et suis parti avec mes galettes sous le bras.

             J’allais faire un malheur avec ma collection de Formidable Rhythm & Blues aux plages enchainées groupées en deux séquences rapides et deux lentes. A vrai dire, les termes "lent" et "rapide" n'avaient rien à voir ici avec le tempo, mais invitaient plutôt les danseurs soit à gesticuler, soit à frotter... enfin, vous avez pigé, quoi !


                Pour l’occasion, le père d'Alain avait sorti la 403 du garage. Et les quelques gusses qui s’y tapaient un cul dessus, coca en main, question d’épater les filles, allaient vite fait perdre sens de l’humour et sourire ravageur si d’aventure le père d'Alain, se mettait à la fenêtre en allant pisser entre deux commentaires de Sport Dimanche. Ils vivaient dangereusement.  
              J’ai rejoins Alain et nous avons investi le garage plein à craquer. Dans le noir total entre deux éclairs de lumières colorées ont s’est glissés entre les couples jusqu’au buffet question de sauver deux jus d’orange avant de s’attaquer au  «nid de salopes» comme disait Gégé. Nous ne demandions qu’à le croire. J’ai laissé mes galettes avec celles des autres. Le son à fond les manettes on se sentait un rien gauche. La pénombre nous allait bien.
            En 1967 une énigmatique campagne de pub avait envahi la France pendant plusieurs semaines : « les ronds rouges arrivent ». C’était le lancement de la marque Elf. Et en une nuit les 4500 points de vente Caltex avaient été transformés en station Elf.
              Deux ans plus tard, c’était pour ainsi dire la même chose. En me regardant dans une glace, ben les 4500 ronds rouges étaient bien là, comme dans un beau cake aux fruits rouges particulièrement pourvu en fruits mais sur ma gueule.
               Les copains disaient : « t’as trop d’hormones, mec, ça va te passer après tes premiers rapports ». Rapport, disait le dictionnaire : « Commerce qu’ont entre eux les hommes : avoir des rapports avec quelqu’un. ». C’était plutôt avec les filles que j’espérais un rapport. Hormone : « substance sécrétée par une glande et qui, transportée par le sang, agit sur les organes ou intervient dans des processus biochimiques.» Pour le processus biochimique je n’avancerais rien, mais en ce qui concernait l’intervention sur mon organe, ça c’était sûr. En pensant aux filles, mon sang ne faisait qu’un tour. Aussi souvent que possible, j’intervenais à la main sur mon organe sans résultats cutanés probants. Les filles devaient sécréter de « L’eau Précieuse », pour calmer les rougeurs des garçons. Il allait donc falloir en passer tôt ou tard par ce fameux rapport. La nature était bien faite.
                Les danseurs évoluaient sur la piste de danse au rythme langoureux des faces lentes enchaînées. Pour la troisième fois, Gégé et Alain vérifiaient l’appareillage dentaire de leurs partenaires. Une vocation. Ça et là, on discernait des froissements d’étoffes, des mots susurrés, des rires étouffés par des baisers. Des couples s’éloignaient. D’autres les remplaçaient avec toujours cette même ardeur que provoquent les émois naissants. Alain à disparu à son tour. Je ne voulais pas rester seul. Je me suis tapé une chaise. Dans le jargon, une chaise c’est une fille qui ne se laisse pas approcher. Pour une étreinte il m’aurait fallu lui briser les deux bras comme les barreaux d’une chaise d’un seul coup d’un seul. Les faces lentes enchaînées, c’est bien quand tu emballes. Vingt minutes et que du bonheur. Accrochés à des barreaux de chaise, vingt minutes, c’est long. Et en vingt minutes j’ai eu tout le temps de constater les dégâts qu’opérait l’escadrille de copains alentour.

 
                 A la quatrième chaise, j’ai décidé de lever le camp. J’ai fendu la foule question de récupérer mes galettes. Il ne serait pas dit que ma discothèque encourage la luxure seulement chez les autres. Le compte n’y était pas. Il m’en manquait deux. J’ai eu beau vérifier dans les piles les volumes 8 & 9 des Formidables Rythmes & Blues avaient été piqués. Un après-midi pourri.

                 En rentrant chez moi je me suis attaqué à mes hormones en matant les courbes les creux et les bosses de Rita Morfalés dans une revue porno. Poissé par ma vieille je me suis retrouvé devant mon vieux avec la bite déconfite dans une main et Rita Morfalés dans l’autre. Je ne me souviens plus bien des propos de l’un et de l’autre à propos du gros dégueulasse pas propre qui ferait mieux de travailler à l’école plutôt que de faire des cochonneries en cachette. Mon histoire avec Rita Morfalés s’est arrêtée là. Je ne l’ai plus jamais revu.




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