dimanche 22 mai 2011

Le masque du démon (1960)

Un soir Alain, Michel et Jacques sont passés me prendre pour allez au kinos. Mes vieux étaient encore à table. Mon père m'a refilé dix balles et l'autorisation de minuit. Ont s'est trissés vie fait avant qu'il ne change d'avis. Le long du faubourg lépreux on a taillé la bavette question d'évaluer la couleur des tickets de l'entracte à refiler au type louche de l'entrée. Dans nos poches y avait un peu de tout. Surtout de rien. Avec les tickets de l'entracte, on rataient le docu, le journal et les bandes annonces mais on rentraient gratis. Faudrait quand même faire gaffe. Le type avait l'air aussi con que rogue, deux yeux, deux mains et nous, quatre, à chercher à lui refiler nos tickets sales et lui glisser entre les doigts dans le noir.
Le film choisi affichait complet et le type louche nous avait à l"oeil. Même les strapontins étaient pris. Nous nous sommes rabattus sur un film d’épouvante en noir et blanc. Jamais vu. Même pas peur. J'ai découvert bien plus tard que ce film "Le masque du démon" de Mario Bava, était adapté d’une nouvelle de Nicolas Gogol. L’histoire de la sorcière Katya, deux siècles après son exécution, revenait d'entre les morts pour trouver à la fois une vengeance et une nouvelle incarnation.
Ce Gogol tout de même. Je ne sais pas pour les autres, mais moi, le film m'a foutu les pétoches. Au retour les lumières du Brazza nous attiraient comme des lucioles. On y a tué mes dix balles en grillant des cigarettes, accrochés au flipper. Pis après, ben après il a fallu rentrer. Rentrer à quatre, c'est cool. Plus cool qu'à trois puis à deux. Mais comme j'habitais le plus loin, obligé de rentrer seul après avoir perdu un à un mes camarades, j'avoue que je n’en menais pas large à minuit dans le Bobigny des années 60. Pas des ouvriers alcooliques en goguette ou des délinquants. Non, non, non, mais à travers les rues sombres, je voyais morts-vivants, goules et vampires prêts à fondre sur moi. Et face à la bouche noire de l’entrée de l’immeuble, j'ai pris vingt mètres d'élan pour sauter d’un bond les quatre marches jusqu'au palier, atteindre l’interrupteur et me précipiter dans les escaliers avant que la sorcière Katya ne surgisse de la sombre cave et ne m’emporte. De toutes les façons, elle aurait juste emporté mon cadavre car j'étais déjà mort de peur.

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