jeudi 12 mars 2009

Lust Caution

« Il y a dans Lust Caution une séduction ­immédiate. Un exotisme à la Lotus bleu, avec reconstitution du Shanghai cosmopolite des années 40 occupé par les Japonais, nuit arrosée dans les bouis-bouis de Hongkong, parties de mah-jong dans des intérieurs acajou. Et toutes sortes de véhicules rétro : berlines noires, tramways à deux étages, pousse-pousse et cyclo-pousse qui ­feront la joie des orientalistes nostalgiques. Mais ce charme efficace - et un peu ­facile - est illico enrichi, voire ennobli, par la drôle de tension qui habite le ­récit : une étrange dilatation du temps, chaque personnage se trouvant irrémédiablement entraîné vers son destin, mais comme au ralenti, et sans qu'il soit pour autant possible d'arrêter ce mécanisme de machine infernale. »« Lust, caution est adapté d'une nouvelle de la romancière chinoise Eileen Chang, ­écrite à la fin des années 60 et récemment traduite en français. »« L'action commence à Shanghai, en 1942, prologue un peu énigmatique que suit et explicite un long flash-back : à Hongkong, quatre ans plus tôt, un groupe d'étudiants chinois a fui le continent occupé. La jolie Wong Chia Chi les rejoint pour être l'héroïne d'une pièce de propagande, montée à l'université. Le succès du spectacle et la fièvre patriotique qui l'accompagne poussent ces jeunes idéalistes - on se croirait dans Les Justes - à passer à l'action : tuer un partisan du collabo Wang Ching Wei, le Pétain chinois, futur fondateur du nippophile « régime de Nankin ». Et voilà la jeune première sur les traces de M. Yee, politicien taciturne et autoritaire. Elle se fait passer pour la femme d'un businessman local, s'immisce dans l'entourage de sa proie, jouée avec son charisme habituel par Tony Leung, acteur fétiche de Wong Kar-wai - et l'un des meilleurs comédiens au monde. »« Ce qui se trame là tient de l'espionnage amateur, ou bien du théâtre, ou bien encore, toute l'ambiguïté est là, de la dérive consentie d'une jeune femme qui se prend à un jeu, une curieuse dépossession d'identité, et s'y complaît. Et puisqu'il faut séduire M. Yee, allons-y : Wong Chia Chi, devenue sous pseudo Mme Mak, cède mécaniquement sa virginité à l'un des conspirateurs - pour ne pas paraître trop gauche au moment de donner son corps à l'ennemi... La comédienne Tang Wei, une révélation - elle a 28 ans, c'est son premier film -, prête à ce personnage une sorte d'exaltation soumise. Elle change de visage, tour à tour enfantine, courtisane, femme fatale - c'est comme vous me voulez, semble-t-elle dire, savant mélange d'innocence et de sensualité dangereuse.Si la première partie du film suit le groupe - les dangers et les difficultés du passage à l'acte -, la seconde partie se concentre sur le couple : la mission, désormais officielle, de Mme Mak, devenue à Shanghai la maîtressse de M. Yee, chef de la police secrète. »
« C'est à travers les scènes d'amour qu'Ang Lee décrit in fine l'évolution de ses personnages. Ces étreintes ne sont ni tendres ni amoureuses : elles tiennent davantage d'une révélation progressive, parfois enragée, de la vérité intime des personnages - le seul instant où la jeune espionne et le tortionnaire semblent cesser de jouer. Se perdre, se retrouver, s'oublier dans la jouissance : ces moments de passion et de trouble constituent le fulgurant point d'orgue de cette capiteuse fresque romanesque. »

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