lundi 30 mars 2009

François par Béranger 9

POUR EN FINIR AVEC LA CHRONOLOGIE !
En 1973, avec Alarcen, commence mon ère électrique .
Une centaine de concerts par an, festivals, fêtes politiques, galas de soutien. On va partout où on nous appelle et on mange beaucoup de kilomètres. L'organisation de nos tournées n'est pas très cohérente : un jour à Lille, le lendemain à Marseille. On va partout et souvent, jusque dans les petits bleds, car je pratique une politique de prix qui permet aux petits organisateurs de nous faire venir sans grands risques. Nous sommes onze personnes : ça coûte cher. Mais le prix des places modeste que j'impose est compensé par un public nombreux. Maxime Leforestier fait la même chose : il donnera, certaines années, jusqu'à 300 concerts par an. Le record! Sur cette période, qui durera jusqu'en 1980, j'ai voulu écrire un récit de souvenirs. Que je n'ai pas écrit ! (Bof... Un livre de plus!) J'y aurais raconté la ferveur, l'émotion, la sympathie, le plaisir, les gags, la violence et les affrontements parfois. Le pied géant qu'on y a pris! J'aurais dit pourquoi -où que j'aille en France, encore aujourd'hui - des inconnus (et des inconnues aussi...) me sourient et me saluent comme si j'étais de la famille. La grande famille que c'était... En vérité, j'ai de beaux souvenirs. Mais pas de nostalgie, ni de mélancolie. En 1978, après un mois de spectacles à l'Elysées-Montmarte, à Paris, et quelques concerts dans les prisons, le groupe Alarcen et moi nous nous séparons. On a fait, ensemble, le tour de la question. Alarcen fonde son groupe. Tout est bien. J'ai fait quatre 30cm avec Alarcen : LE MONDE BOUGE (74)
L'ALTERNATIVE (75)
EN PUBLIC (double, 77)
PARTICIPE PRESENT (78)
J'ai toujours fait de la place aux musiciens, considérant que leurs sons et leur musique avaient des choses à dire au même titre que les mots. Il m'est arrivé de m'effacer totalement sur scène pour faire place à la musique. Dans les grandes chansons comme Paris-Lumière ou Article sans suite, qui durent 15 à 25 minutes, les solos et les chorus sont nombreux. On m'en a fait reproche, parfois, en prétendant que je risquais d'y disparaître. Critique à courte vue! Après Alarcen, j'enchaîne aussitôt avec de nouveaux musiciens dirigés par Bertrand Lajudie. Les chansons d'avant, jouées par un nouveau groupe, deviennent de nouvelles chansons. Phénomène assez rafraîchissant. Avec Lajudie, on fait trois ans et trois 30cm :
JOUE PAS AVEC MES NERFS (79)
ARTICLE SANS SUITE (80)
DA CAPO (81) Lajudie signe les musiques de quelques chansons comme : Le Messager, Ma maison, Allemagne, soeur blafarde. Si importantes pour moi qu'après onze ans, je les ré-enregistre (92). En 82, après le dépôt de bilan de l'Escargot- Sibécar (c'est le sort des petites productions indépendantes...) je suis sous contrat chez RCA, par la grâce de son directeur d'alors, François Dacla, vieux supporter et grand amateur de chanson française. RCA produit Da Capo et... me pousse vers la sortie. La société est sur le point de se faire avaler par Ariola, qui met comme condition au rachat le dégraissage d'un bon nombre de chanteurs français. (Ah! Le dégraissage! Doux vocable quiva marquer de son esprit toutes les années 80. Arme magique des nouveaux barbares, genre Bernard Tapie, pour bâtir des fortunes sur l'exclusion et le chômage. Stratégie préférée des nouveaux maîtres à penser). Je ne vois pas d'inconvénient à me faire dégraisser si on m'indemnise, car mon contrat n'est pas respecté : RCA me doit la production de deux 30cm. On me propose... 50.000 Fr pour solde de tout compte! J'engage une procédure judiciaire qui durera sept ans, et que je gagnerai. (Y'a pas de justice, mais quand même!) Le vidage d'un artiste, dans le non-respect de son contrat, est une pratique courante à l'époque. La seule partie qui doit en respecter les clauses est... l'artiste. La plupart d'entre eux se laissent tondre sans réagir, soucieux de retrouver très vite une nouvelle production, obsédés par l'idée qu'on les prenne pour de mauvais coucheurs. Ce n'est pas mon cas. D'autant que j'ai décidé, assez brutalement, d'arrêter le métier pour un temps. Je suis saturé par douze ans de tournées ininterrompues. J'ai envie de prendre du recul. Les péripéties avec RCA n'arrangent rien. L'album DaCapo ne sera pratiquement pas distribué. Ni promotionné. Un disque confidentiel. La demande de concerts, pourtant, est toujours forte : le public ne m'a pas chassé par son absence. De 82 à 89, j'ai vécu... ma vie. Farniente (glandage), voyages, musique, travaux alimentaires pour vivre. En 89, je rencontre Francis Kertekian, patron de Justine, heureux de me produire un album. Et moi donc! Avec Valmont, on fait un disque exclusivement avec des machines (sauf un titre), et... 60 concerts dans toute la France. Vu sous l'angle de la gestion d'une carrière, un arrêt total de sept ans est une aberration. Je n'ai jamais eu ce genre de préoccupation, mais le redémarrage fait de vous un simple débutant. Ça rajeunit. Mais c'est difficile, disons-le, d'autant que le métier s'est radicalisé vers la rentabilité à tout prix. C'est la crise. Je suis quand même surpris par le nombre de concerts et par l'accueil des gens. Les anciens viennent avec leurs enfants, dont les jeunes années ont été bercées - parfois jusqu'à saturation - par Tranche de vie et autres Natacha. Justine, la boîte de prod de Francis Kertekian se fait absorber par Fnac- Music. Ça recommence! Je me retrouve dans une boîte qui n'a vraiment pas envie de moi. Ni moi d'eux. Beaucoup de fric, beaucoup de moyens, mais un dialogue artistique nul, dans une structure de gestionnaires. Dommage...

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