lundi 19 janvier 2009

Blague Carambar (1)


Leyssonesse est une contrée aussi improbable et dangereuse que Les Carpathesse. C’est une région si sauvage et désolée que je ne sais si des gens parviennent à y vivre en toutes quiétudes. Traverser dans la brume les nombreuses forêts ou sévissent loups, vampires et Goupils me glace le sang. Hélas, il paraît que désormais le vampire aime glaces et sorbets. C’est bien ma veine. Depuis ma fenêtre, j’ai donc tendu l’ouïe façon d’ouïr si la voix du loup se faisait entendre jusque ici. Chants, aboiements, grognements et gémissement forment un répertoire tellement riche chez cet animal, qu’il me transmet stress, tremblements et claquements de dents. Je n’ai entendu que le chant mélodieux, chargé de poésie assassine, des automobilistes et les lamentations des cyclistes agonisants sur le bas côté de la route. Tout allait bien. La voie était libre.
Nous avons donc usé un petit bout de vie chez les Goupil. Les Goupil sont des cousins de ma femme. Par conséquent, filialement ce sont aussi les miens. Les Goupil habitent une maison avec des carambars géants collés au plafond, loin très loin dans une forêt profonde de Leyssonesse. Ils appellent cela des poutres apparentes. Mais moi je vois bien que ce ne sont que des carambars géants. Il ne faut pas me prendre pour plus ballot que je ne suis. Quand je dis des carambars géants collés au plafond, c’est sans le papier d’emballage, bien entendu. Stéphane, le petit Goupil, collecte les points carambar. Au bout de dix millions de point carambar, il aura un ballon de foot en les retournant avec un chèque de 55 euros plus le coût du port. Il ne vous a pas échappé, qu'en cette saison, la nuit tombe vite. Alors, on a eu beau partir avant la tombée de la nuit, patatras, elle nous est tombée dessus sans prévenir. Après la Porte d’Italie c’est devenu la grande aventure. Isabelle, ma femme, dotée de Gilbert Montagné et Stevie Wonder comme copilotes ne se sentait pas très bien secondée. On la comprend. Faut avouer aussi, que chaque fois que nous nous rendons chez les Goupil nous nous perdons. En général on rate la route d’Orléans et de Rungis pour filer résolument vers l’inconnu. Notre escapade du soir n’a pas échappé à cette règle immuable. Le chef de meute des Goupil a eu beau s’égosiller que « putain, bordel, c’est quand-même pas difficile de prendre l’A6a/E50 puis rejoindre A6b/E50 en suivant le panneau Orly, Evry, Lyon qui t’amène à l’A10 Palaiseau, Etampes, Bordeaux, Nantes, Massy, Longjumeau avant de retrouver la N20 vers Orléans…. » ben nous on se perd quand-même, un point (carambar) c’est tout. Ce qui fait que Le Chemin de la Ville du bois et la route des Templiers qui passe par le rond-point des Bourguignons qui mène à Montlhéry…ben on ne l’a pas trouvée. On s’est retrouvé à Fleury Mérogis. Isabelle voulait qu’on demande. A qui ? Il n’y avait personne hormis peut-être le psychopathe en cavale de Prison Break. « Pardon monsieur, la route de Monfion sur Ogre, c’est par où ? » – « Descend d’ta bagnole, connard, où je m’occupe de ton fion avec mes amis et collègues ! » Déjà que j’avais un rendez-vous chez le gastro la semaine prochaine, je n’ai pas voulu tenter le Diable avec une bande de repris de justesse. Alors on a roulé sur la Grand rue de Fleury, pris l’avenue Jacques Duclos et, arrivés à la Place Saint-Exupéry, continués sur l'Avenue du Régiment Normandie-Niémen avant d’appeler mon cousin. « Putain, mais vous êtes où ? » Mon pauvre Goupil, si nous le savions, crois-tu que nous t’appellerions à l’aide, me suis lancé in petto. La route était vide. Les hangars à notre droite, sombres et menaçants. Pour ma part, je croyais bien me souvenir d’un Eléphant Bleu dans le coin mais je me suis abstenu de tout commentaire source évidente d’ennui. « De toutes façons, vous n’êtes plus très loin. »
Leyssonesse me fait peur. Je n’y suis jamais allé que de nuit et en hiver lorsque les éclairages publics inondent d’une lueur blafarde des rues mortes. On entendait gémir le vent. Des ululements pas très chouettes. Des boules de feu sur l’asphalte avec des rappeurs dedans qui niquaient ma mère et le faisaient savoir à qui voulait bien l’entendre. Puis le silence oppressant. Et à nouveau des boules de feu avec encore de rappeurs à la sexualité débridée. Il y eut soudain un coup tapé au carreau. Un cri. Peut-être le mien ! Et Goupil chef de meute était là devant nous avec son fusil, ses snow boots et sa peau d’opossum crânement posé sur le chef. Mine de rien, le Goupil chef de meute, ben il est fort. Très fort. On l’a congratulé. On l’a embrassé. Ah ! bon Dieu, qu’il avait fière allure le Goupil chef de meute quand il nous a retrouvés vivants et conduits jusqu’à sa maison de Monfion sur Ogre dans une des sombres forêts de l’Eyssonesse….

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