mercredi 18 mai 2011

La motocyclette (1968)

au Kinos à la Baule en juillet 1968 1/4
1968 : l’année de la guerre, la vraie, celle avec des barricades, des coups de matraque, des pavés dans la gueule des flics, des baffes dans ma gueule et tout.
Ma première année au CEC George Elie à Bondy m'avait achevé. Au vu de mes résultats prodigieux j'étais appelé à redoubler. Certains seront donc amenés à penser que compte tenu des «Evénements», je ne pouvais pas être partout, lycéen et révolutionnaire : en classe et à l’auditorium de la Sorbonne, Rue Gay Lussac à lancer des pavés ou au stade Charlety. Je ne démentirais pas. Je n’y étais pas, sauf un peu en classe mais de façon fort distraite et lointaine. J’ai donc vu les «Evénements» à la télé avec les commentaires on ne peut plus objectifs des cadres de l’O.R.T.F.
Mais attendez, ça nez veut pas dire que je ne me suis pas révolté. Vous me prenez pour qui ? Un soir à table, je me souviens, alors que la télévision d’Etat diffusait les exactions de notre jeunesse, j’enfournais une cuillerée de purée en sachet (restriction oblige) tout en lâchant entre les dents : « Ils ont bien raison de se révolter… ». Je ne me souviens plus très bien de la profondeur philosophique et psychologique de ma fin de phrase. La purée a filé droit sur la vitre de la fenêtre tandis que ma joue gauche, soudainement incarnate, se trouva fort vivifiée par la violence de la dextre de mon père. Un père communiste ça ne rigole pas. Une mère gaulliste non plus. Surtout en 1968. J’ai donc été privé de Vache qui rit et envoyé illico expresso au pieux écouter la guerre sur mon transistor comme si c’était radio Londres.
1968, fut aussi l’année où mon frère, maître nageur au Club des Cannetons à la Baule, m’a convié à partager leur villégiature durant une partie du mois de juillet. Descendu par erreur à la Baule les Pins, j’ai traîné ma valise jusqu’à la Baule en empruntant les pistes cavalières où de belles écuyères du haut de leur monture dévisageaient le rustre d’un regard arrogant.
Ce fut donc une période d’émancipation relative vis-à-vis de mes parents. Robert et Gisèle, férus tous deux de cinématographe, m’emmenèrent cet été là voir plus de films qu’il ne m’étais permis d’en voir en l’espace d’une année. Peut-être est-ce pour cela que je m’en rappelle tant. Le long des neuf kilomètres de plage qui séparent Le Pouliguen de Pornichet, sans compter celles du centre ville, les salles de cinéma de la Baule me permirent de voir plein de films. Pour les simples raisons évoquées ci-dessus, je vais passer rapidement en revue chacun de ces films tout en avouant franchement que peu méritent de figurer dans le panthéon des films de ma vie. Prise par le désir irrépressible de rejoindre son amant, Rebecca quitte, avant les premières heures du jour, le lit conjugal, revêt sa combinaison de cuir et enfourche sa motocyclette pour se rendre à Heidelberg. A travers la campagne alsacienne, grisée par la vitesse et le froid du petit matin, elle repense avec jubilation à sa rencontre avec celui qui l'a initié à l'amour physique et, sur sa Norton Atlas.
C'était au cours d'un séjour dans une station de sports d'hiver avec son fiancé, Rebecca ne manque pas de remarquer qu'elle est l'objet de toutes les attentions d'un homme qu'elle reconnaît être un client de la librairie de son père. Pendant la nuit qui suit, l’homme s'introduit dans la chambre de la jeune femme et accède, sans résistance, à son intimité. Effrayée par son propre comportement, elle anticipe son mariage. Mais ne peut renoncer à revoir plusieurs fois son amant, lequel lui offre, à titre de cadeau nuptial, une superbe Electra-Glide. »
Dans cette adaptation d'un roman d'André Pieyre de Mandiargues, la fameuse motocyclette montée par Marianne Faithfull tient le rôle principal du film, tout entier construit autour de cette machine, tour à tour érotique et diabolique. Le film suit l'aller simple de l'héroïne, dont le passé est relaté par flashback. Aux souvenirs s'ajoutent les fantasmes masochistes de la jeune femme mis en scène de façon psychédélique, grâce à un procédé électronique de solarisation.
« Je crois que ce n’étais pas un film pour lui. » déclara Gisèle à notre retour de la projection. Tu m’étonnes, Simone. Elle n’avait pas de moto. Il n’avait pas neigé et je n’étais pas Alain Delon. De ce film donc, il ne m’est donc rien resté si ce n’est qu’à toujours ramper à travers un labyrinthe de sentiments, l’amour est une souffrance.

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