dimanche 15 mai 2011

Le Cerf-volant du bout du monde (1958)

Le Trianon. Droits réservés
J’ai longtemps pensé que seuls les enfants de la ceinture rouge bénéficiaient d’une sortie avant les congés de Noël. Je reste désormais assuré qu’il n’en était rien, mais qu’il y ait quelques bonnes âmes pour s’occuper des enfants d’ouvriers se voulait rassurant. Il y avait les ouvriers et les pauvres. On distinguait ces derniers en septembre avec la cantine gratuite et la distribution pour l’année de brodequins à œillets métalliques. Largement au-dessus du barème d’attribution, je n’ai pu que les admirer aux pieds de Mohamed, le seul enfant d’émigrés non polonais, portugais ou espagnols, dont le père était ouvrier communal. Pour la sortie annuelle du cinéma nous étions tous sur le même pied d’égalité, si je puis dire.
Le Saviem aux moleskines fauves nous emmenait aux confins de la ceinture rouge dans un vaste cinéma envahi par une flopée d’enfants braillards des communes environnantes. Nous assistions à la diffusion d’un dessin animée tchèque avec son Konec de fin annonçant simultanément au retour de la lumière tamisé sur le velours cramoisi, l’entracte et le spectacle de music-hall. Invariablement nous avions droit à un illusionniste dont les tours exécutés trop loin de moi me laissaient perplexes. Puis avec le noir venait le grand film accueilli dans un brouhaha indescriptible. A la sortie nous avions droit à un goûter dont les détritus jonchaient le sol du car à notre retour. Ce rituel se répétait chaque année de la même façon. Seule la programmation changeait. Le personnage du Roi des Singes, acrobate et magicien, Sou Wou Kong, héros de vieilles légendes chinoises m’a fait très peur. Et je l’ai gardé en mémoire jusqu’à la découverte au début des années 80, de sa programmation au St Lambert dans le Xvème arrondissement. J’y ai traîné de force les enfants un dimanche après-midi à la séance de 14h30. Je ne sais pas quels souvenirs ils en ont gardés. Quant à moi j’ai découvert que Pierre Prévert était conseiller technique, Henri Alekan chef opérateur et qu’il s’agissait de la première co-production franco-chinoise. Moins crédule qu’à mes dix ans le regard un peu manichéen sur la Chine m’a fait sourire, mais surtout de tendresse envers un film qui a enchanté ma jeunesse et mes vieux jours.

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